Parallèlement à la signature d’un contrat de quatre ans avec l’Olympique de Marseille (OM) en juillet 2015, Lassana Diarra a signé un second contrat, sous-seing privé, avec ce même club, non homologué par la Ligue de Football Professionnel (LFP).
Devant le souhait du joueur de se fonder sur ce second contrat, ou avenant, pour quitter ce club, sans indemnité de transfert, à chaque intersaison, l’OM devrait vraisemblablement arguer de son absence d’effet, au regard, notamment, des dispositions de la Charte du football professionnel.
Il conviendra, dès lors, d’étudier les voies de recours ouvertes au joueur, en cas de litige.
Le 24 juillet 2015, Lassana Diarra s’engage à l’OM pour une durée contractuelle de 4 ans.
En parallèle de ce contrat soumis, avec succès, à l’homologation de la LFP, les deux parties signent, selon les dires du joueur, un second contrat, non soumis à l’homologation de la LFP, qui prévoit la possibilité pour le joueur de quitter le club, à chaque intersaison, sans indemnité de transfert.
Le joueur souhaiterait, dès lors, quitter le club, sans indemnité de transfert, au cours du mercato d’été 2016 tandis que l’OM semble vouloir se fonder sur l’absence d’effet du second contrat, au regard des règlements de la LFP, pour obtenir une indemnité de transfert en cas de cession du joueur.
Il se pose, dès lors, les questions suivantes :
– quelle est la sanction de la non homologation du second contrat ?
– le second contrat dispose-t-il néanmoins d’une valeur juridique ?
– quels sont les recours dont dispose le joueur en cas de litige avec son club ?
Afin de répondre à ces questions, il convient d’étudier les points suivants :
– La sanction de la non homologation du second contrat : l’absence de prise d’effet(I) ;
– La validité du second contrat conclu entre Lassana Diarra et l’OM (II) ;
– Les voies de recours ouvertes au joueur, en cas de litige (III).
I. La sanction de la non homologation du second contrat : l’absence de prise d’effet
En vertu de l’article 252 de la Charte du football professionnel : « le contrat d’un joueur est constaté par écrit. […], il s’inscrit dans le cadre des dispositions des articles L. 1242-2, 3° et D. 1242-1 du Code du travail ».
L’article 254 de la Charte précise que « le contrat ainsi signé prend effet sous conditions suspensive de son homologation ».
Pour rappel, un contrat conclu sous condition suspensive est un contrat dont la validité, ou la prise d’effet, dépend de la réalisation soit d’un évènement futur et incertain, soit d’un évènement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties (article 1181 du code civil).
En l’espèce, la prise d’effet du contrat de joueur dépend de la réalisation d’un évènement futur et incertain : son homologation.
Il convient, dès lors, d’observer la procédure d’homologation des contrats de joueurs (A.) ainsi que celle des avenants (B.).
A. La procédure d’homologation des contrats de joueurs
La procédure d’homologation est la suivante :
– Chaque dossier est transmis individuellement par le club à la Commission juridique de la LFP dans un délai de quinze jours à compter de la signature du contrat :
• Si la situation du club vis-à-vis de la Direction Nationale de Contrôle de Gestion (DNCG) est conforme aux règlements, le contrat est homologué ;
• Si le club fait l’objet d’une mesure de contrôle de la part de la DNCG, le dossier lui est transmis : la DNCG peut, dès lors, statuer favorablement, ou non, sur la demande d’homologation dudit dossier.
– Lorsque le contrat est homologué, la LFP adresse un exemplaire du contrat aux parties concernées, à savoir au club intéressé, au joueur et/ou à son représentant légal et la Fédération Française de Football (FFF).
– Lorsque le contrat n’est pas homologué par la DNCG, la décision est notifiée par lettre recommandée au club, au joueur et/ou à son représentant légal : cette décision ouvre droit à un recours devant la commission d’appel de la DNCG qui doit être saisie dans un délai de six jours francs à compter de la « date de première présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception de la décision contestée » (article 5 du règlement de la DNCG).
En l’espèce, le premier contrat de quatre ans conclu entre le joueur et le club, au cours de l’été 2015, a bien été homologué par la LFP dans la mesure où, dans le cas contraire, le joueur n’aurait pas bénéficié de l’autorisation de jouer pour le club.
B. La procédure d’homologation des avenants
La procédure d’homologation des avenants est similaire à celle des contrats de joueurs, à l’exclusion du cas particulier des avenants de résiliation qui pourront faire l’objet d’une étude ultérieure.
En effet, selon l’article 255 de la Charte du football professionnel :
« Toutes conventions, contre-lettres, accords particuliers, modifications du contrat, doivent donner lieu à l’établissement d’un avenant soumis, dans le délai de quinze jours après signature, à l’homologation de la commission juridique selon la procédure décrite à l’article 254 ci-dessus… ».
En l’absence d’homologation ou en présence d’une décision de non-homologation, l’article 256 de cette charte dispose que le contrat, ou l’avenant de contrat, quelle que soit sa forme, est « nul et de nul effet » : l’article 256 prévoit, ainsi, des sanctions disciplinaires pour les signataires de tels contrats.
En l’espèce, selon différentes sources médiatiques, l’avenant au contrat de joueur a pris la forme d’une « clause sous-seing privé ».
L’acte « sous seing privé », ou encore « sous signature privée » est une convention écrite établie par les parties elles-mêmes ou par un tiers, qui a été signée par elles ou par une personne qu’elles ont constituée pour mandataire en vue de régler une situation contractuelle (dictionnaire juridique de S. Braudo).
Par son caractère « privé », l’acte sous-seing privé se distingue du contrat soumis à l’homologation de la LFP, procédure qui s’apparente à de la publicité.
La seule incidence de la non homologation est, donc, son absence d’effet, notamment vis-à-vis de la LFP.
Pour rappel, la commission juridique de la LFP s’est régulièrement opposée à des actes similaires dans lesquels les clubs prévoyaient des clauses dites «potestatives », à savoir des clauses faisant dépendre l’exécution des conventions d’un événement « qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher » (article 1170 du code civil).
II. La validité du second contrat conclu entre Lassana Diarra et l’OM
Si le contrat n’est pas reconnu par la LFP dans la mesure où il n’a pas été soumis à la procédure, obligatoire, d’homologation, il n’en reste pas moins valable juridiquement s’il remplit les conditions de validité des contrats.
En effet, en vertu de l’article 1108 du code civil, les quatre conditions essentielles de la validité d’une convention sont :
– le consentement de la partie qui s’oblige ;
– la capacité de contracter ;
– un objet certain ;
– une cause licite.
S’agissant du consentement, il ne doit pas être vicié par les trois vices cités par le code civil, à savoir le dol, l’erreur ou la violence.
En l’espèce, il ne semble pas y avoir d’erreur ou de violence. Le dol pourrait être soulevé en arguant d’une potentielle manœuvre dolosive de la part de l’OM, consistant à tromper le joueur sur sa volonté de soumettre le second contrat à l’homologation, mais cela semble peu probable au regard, notamment, de la nécessité d’apporter la preuve de l’intention de cette manœuvre.
Concernant les conditions relatives à la capacité et à l’objet de l’obligation, elles paraissent également remplies.
Le problème pourrait se situer au niveau de la cause du contrat, qui doit être licite (article 1131 du code civil).
Classiquement, la cause du contrat est définie comme étant le motif déterminant, à savoir le motif sans lequel les parties se seraient abstenues de contracter.
En l’espèce, il est possible de considérer que le motif déterminant ayant incité Lassana Diarra à conclure le premier contrat était le fait de signer le second contrat lui permettant de se libérer du premier contrat, sans indemnité de transfert, à chaque intersaison.
Or, en vertu de l’article 256 susvisé, l’absence d’homologation d’un contrat rend le contrat «nul et de nul effet » et expose les contrevenants à des sanctions.
La cause du premier contrat pourrait, donc, être considérée comme illicite, ce qui aurait pour conséquence l’annulation du contrat.
En conséquence, si les conditions de validité du second contrat conclu entre Lassana Diarra et l’OM paraissent, a priori, remplies, il n’est pas à exclure une action devant les tribunaux civils afin d’obtenir le prononcé de sa nullité.
Cette action paraît, néanmoins, peu probable au regard, d’une part, des délais inhérents aux procédures judiciaires et d’autre part, de la volonté vraisemblable du joueur de se libérer rapidement de ses contrats avec l’Olympique de Marseille.
III. Les voies de recours ouvertes au joueur, en cas de litige
En cas de litige entre le joueur et le club, il convient d’envisager ses voies de recours :
– Le recours à la justice sportive (A.) ;
– Le recours à la justice étatique (B.).
A. Les voies de recours inhérentes à la justice sportive
En vertu de l’article 427 du règlement administratif de la LFP :
« La commission juridique a compétence pour :
– procéder à l’homologation de tous les contrats et avenants conclus par les clubs […] avec les […] joueurs […] professionnels etc. ;
[…]
– veiller à l’application du règlement administratif de la Ligue de football professionnel, de la Charte du football professionnel (et de ses annexes) […] et se saisir, le cas échéant, des infractions portées à sa connaissance ».
En l’espèce, Lassana Diarra pourrait donc saisir la commission juridique de la LFP de cet éventuel litige.
Cette action aurait, néanmoins, peu de chances d’être couronnée de succès dans la mesure où la commission juridique de la LFP a régulièrement rejeté des demandes de joueurs relatives à l’exécution d’actes sous-seing privé non homologués par la LFP.
En cas de rejet de la commission juridique de la LFP, le joueur pourrait faire appel de cette décision en saisissant la commission paritaire d’appel de la LFP (article 424 du règlement administratif de la LFP).
Les décisions des commissions nationales paritaires d’appel n’étant pas susceptibles de voies de recours, sauf par le biais d’évocations – réclamations – auprès du Comité Exécutif de la FFF, le joueur devrait vraisemblablement, en cas de nouveau rejet, se tourner vers le Tribunal Arbitral du Sport (pour en savoir plus sur la procédure du TAS : http://www.legavox.fr/blog/maitre-laurent-fellous/michel-platini-officiellement-saisi-20661.htm#.V1rhzTWLSM8).
B. Les voies de recours du droit commun
Il convient de distinguer les voies de recours selon la qualification du contrat :
– La compétence du conseil de prud’hommes en présence d’un contrat de travail(a.) ;
– La compétence du tribunal de grande instance (TGI) en toute autre hypothèse(b.).
a. La compétence du conseil de prud’hommes en présence d’un contrat de travail
Au regard des informations communiquées par les médias, le second contrat est, a priori, un contrat de travail.
Le conseil de prud’hommes serait donc compétent (article L.1411-1 du code du travail).
Le joueur pourrait, dès lors, saisir le conseil de prud’hommes afin, d’une part, de reconnaître la validité du contrat et, d’autre part, d’obtenir son exécution.
S’agissant d’une action portant, notamment, sur l’exécution du contrat de travail, le joueur disposera d’un délai de deux ans pour intenter une telle action (article L1471-1 du code du travail).
Il est, toutefois, probable que le conseil de prud’hommes confirme la décision rendue par la commission juridique de la LFP, comme en attestent de nombreuses jurisprudences démontrant la tendance de la juridiction prud’homale à se ranger derrière la décision de la commission juridique de la LFP.
La compétence du conseil de prud’hommes étant exclusive, le joueur devrait, en cas de rejet, former un appel devant la cour d’appel avant, en dernier ressort, de se pourvoir en cassation.
b. La compétence du TGI en toute autre hypothèse
Dans l’hypothèse, peu probable, où le second contrat ne serait pas un contrat de travail, le joueur disposerait d’un recours devant le TGI.
En effet, le TGI est compétent en présence d’une part, d’une affaire qui n’entre pas dans le champ de compétence d’une autre juridiction civile, comme le tribunal d’instance, le tribunal de commerce ou encore le conseil de prud’hommes et, d’autre part, d’un litige portant sur un montant supérieur à 10.000 euros.
En l’espèce, le joueur pourrait invoquer plusieurs fondements juridiques, tels que l’illicéité de la cause du contrat développée ci-avant, afin d’obtenir tant l’annulation du contrat que des dommages et intérêts au titre du préjudice subi.
Cette action apparaît comme étant celle ayant le plus de probabilités d’aboutir et, ainsi, permettre à Lassana Diarra de se libérer de ses contrats avec l’Olympique de Marseille.
En conséquence, au regard des éléments développés, l’issue la plus probable, ainsi que la plus favorable aux deux parties à cet éventuel litige, serait la conclusion d’un protocole d’accord transactionnel, à savoir « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître » (article 2044 du code civil) : le joueur pourrait, dès lors, signer dans le club de son choix tandis que le club obtiendrait une indemnité de transfert dans le cadre de la cession du joueur à un club tiers.
N.B. : Cet article a été rédigé en partant du postulat que, comme les médias et Lassana Diarra l’affirment, le second contrat n’a pas été soumis à l’homologation de la LFP.
Il ne prétend, pas, en outre, apporter toutes les réponses aux questions soulevées par l’espèce mais seulement présenter un nouvel éclairage permettant une meilleure compréhension.
Source: Legavox.fr