L’e-sport, pour « electronic sport », à savoir sport électronique, désigne la pratique de jeux vidéo confrontant au moins deux sur différents supports (Internet, local ou LAN). Pour une entreprise, s’associer à l’e-sport, c’est cibler une clientèle jeune, dynamique et portée sur les jeux vidéo. Il convient, donc, de s’intéresser au statut juridique de l’entreprise et de déterminer le régime le plus protecteur des intérêts de la société.

Le statut juridique de l’entreprise

La question est de savoir si la société désireuse de développer une activité e-sport doit adopter un régime spécifique pour ce faire. Aussi est-il intéressant de s’arrêter sur l’éventualité d’adopter le statut d’agent sportif ou encore de celui d’agent de droit commun.

Le statut d’agent sportif

Dans le cadre du sport, l’article L. 222-7 du code du sport dispose que : « l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d’une licence d’agent sportif. »

Le titre d’agent sportif est dès lors subordonné, notamment, à :

  • la mise en relation de parties intéressées à la conclusion d’un contrat relatif à une activité sportive.
  • l’obtention d’une licence par une personne physique.

Or, d’une part, l’e-sport n’est pas encore reconnu par le législateur comme un sport à part entière, le ministère en charge des agréments susmentionnés étant, ainsi, celui chargé du numérique, et d’autre part, une entreprise intéressée à l’idée de s’associer à l’e-sport ne souhaitera vraisemblablement pas passer l’examen nécessaire à l’obtention de la licence d’agent. En conséquence, il apparaît que le statut d’agent sportif n’est pas encore applicable à l’e-sport.

Le statut d’agent de droit commun

Tant l’agent d’affaires que l’agent artistique peuvent être abordés. S’agissant de l’agent d’affaires, dont la profession revête un caractère commercial, il s’occupe, moyennant rémunération, à titre de mandataire ou non, de gérer habituellement les affaires d’autrui, en aidant des personnes physiques ou morales à effectuer certaines opérations commerciales ou immobilières.

En sa qualité de mandataire, l’agent d’affaires est soumis à 3 obligations principales :

  • accomplir fidèlement et loyalement le mandat tant qu’il en demeure chargé ;
  • répondre du dol et des fautes commises dans sa gestion ;
  • rendre compte à son mandant de l’exécution de son mandat.

Bien que la définition et les obligations subséquentes ne semblent pas contraires à la situation de l’espèce, il semble que ce statut ne soit pas adapté dans la mesure où, d’une part, il placerait l’entreprise en situation de devoir rendre des comptes aux e-joueurs et, d’autre part, il pourrait engager la responsabilité de l’entreprise qui est sévèrement appréciée pour les agents d’affaires car ils sont mandataires salariés. En conséquence, ce statut ne semble pas adapté aux spécificités de l’e-sport.

Quant à l’agent artistique, il ne semble pas non plus s’agir d’une option pertinente dans la mesure où :
– les e-joueurs ne peuvent pas être considérés comme des artistes, au sens juridique du terme ;
– une licence, aux strictes conditions d’obtention, est nécessaire (articles L. 762-3 et R. 762-2 du code du travail).

La recherche d’un régime protecteur des intérêts de l’entreprise

Au vu des éléments susvisés, il convient d’étudier les contrats susceptibles d’être conclus avec les e-joueurs non salariés ainsi que les moyens de les protéger.

Les contrats à conclure avec l’e-joueur non salarié

Deux types de contrat peuvent être conclus :
– le contrat de prestation de service ;
– le contrat de sponsoring.

  • Le contrat de prestation de service

Que ce soit en tant que travailleur indépendant, sous la forme de l’auto-entrepreneuriat ou d’une SASU, ou en tant que personne physique, les e-joueurs peuvent conclure un contrat de prestation de services avec des entreprises. Les prestations de services auxquelles s’engagent les e-joueurs consistent généralement en la participation à des interviews, à des commentaires de matchs ainsi qu’à la mise en avant des produits de l’entreprise.

L’entraînement et la participation à des compétitions de jeux vidéo ne sont, toutefois, pas expressément prévus dans ces contrats de prestation de service : les e-joueurs s’entraînent et participent aux compétitions à titre privé et non au titre d’un quelconque contrat. Ce régime nécessite, dès lors, un encadrement strict dans la mesure où il suppose un risque important de requalification en contrat de travail.

En conséquence, au regard de ce risque de requalification en contrat de travail, il apparaît que la conclusion de contrats de prestation de services ne permet pas une protection suffisante aux entreprises qui risquent un coûteux contentieux prud’homal.

  • Le contrat de sponsoring

Le contrat de sponsoring, ou de parrainage, est généralement défini comme une convention par laquelle une entreprise, le sponsor, apporte son soutien financier ou matériel à une manifestation sportive, à un sportif ou encore à une organisation sportive, le sponsorisé, qui s’engage, en contrepartie, à promouvoir l’image, la marque ou encore les signes distinctifs du sponsor.

Le contrat de sponsoring présente l’avantage majeur de ne pas contraindre l’e-joueur à adopter un statut particulier.

A titre indicatif, les contrats de sponsoring prévoient généralement :
– l’exclusivité des droits concédés ;
– des obligations au sponsor (rémunération du sponsorisé, versement de primes, la fourniture de matériel etc.)
– des obligations au sponsorisé (obligation de ne pas porter atteinte à l’exclusivité consentie au sponsor, obligation d’éviter tout comportement ou attitude qui pourrait porter atteinte à l’image du sponsor, obligation générale de mettre en valeur l’image et la marque du sponsor, obligations promotionnelles etc.)
– la déductibilité des charges d’exploitation (les dépenses de sponsoring sportif sont déductibles au tire des charges d’exploitation, sous certaines conditions).

Les divers moyens de protection de la relation contractuelle

Afin d’éviter une fuite des talents, plusieurs clauses peuvent être prévues :
– une clause pénale (a.) ;
– une clause de dédit (b.) ; ou encore,
– une clause de non-concurrence (c.).

  • L’insertion d’une clause pénale

La clause pénale permet de dissuader l’e-joueur de rompre le contrat en prévoyant, en cas de rupture unilatérale anticipée, le paiement d’une forte indemnité. Il convient, toutefois, d’être très vigilant dans la détermination de son quantum dans la mesure où si elle est excessive, elle peut être révisée, d’office, par un juge saisi d’un litige inhérent à ce contrat.

  • L’insertion d’une clause de dédit

La clause de dédit, pouvant être prévue dans un contrat de travail, peut se définir comme une stipulation contractuelle aux termes de laquelle une partie à un contrat peut se réserver la faculté de se départir du présent contrat. Le montant prévu dans cette clause doit, toutefois être proportionné afin d’éviter d’attirer l’attention du juge sur une volonté de « clause pénale déguisée ».

  • L’insertion d’une clause de non-concurrence

L’entreprise peut également prévoir une clause de non-concurrence qui interdirait à l’e-joueur, à l’issue du contrat, de concurrencer l’entreprise. La rédaction de cette clause doit, néanmoins, être particulièrement précise dans la mesure où elle doit être limitée dans le temps, à une zone géographique précise et prévoir une contrepartie financière.

L’e-sport est en constante évolution. Les solutions juridiques évoluent également en considération de l’évolution de cette pratique. Aussi, en dépit de ce panorama non-exhaustif de ses enjeux juridiques, la problématique e-sport des entreprises ne peut-elle se résoudre sans une appréciation concrète de chaque cas d’espèce.

Ce texte est publié sous la responsabilité de son auteur. Son contenu n’engage en aucun cas la rédaction des Echos Solutions.

Source: LesEchos.fr

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